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Comment changer ses (mauvaises) habitudes et celles de ses collaborateurs grâce aux neurosciences ?

Par Guirec Gombert | Publié le 17/01/2017 - Mis à jour le 04/04/2019

Hémisphère gauche ? Ok ! Hémisphère droit ? Ok ! Grâce aux neurosciences, il est possible de mieux utiliser notre cerveau afin de modifier nos comportements et même d'améliorer le management en entreprise. Encore faut-il comprendre comment notre cerveau fonctionne et analyser pourquoi l'homme est si réticent au changement...

Comment entraîner son cerveau à prendre de meilleures décisions ? Des scientifiques du monde entier se penchent régulièrement sur cette question, avec des résultats parfois étonnants qui peuvent être utilisés dans la vie professionnelle. Chacun dans sa vie a pu constater comment notre mental, selon qu'il est au top ou au contraire en carafe, modifie notre analyse d'une situation. Selon des psychologues qui ont travaillé auprès de sportifs de haut niveau, John Mc Enroe voyait la balle "aussi grosse qu'un ballon de basket-ball" lors de sa victoire en 1984 et les golfeurs les plus émérites jugent les trous plus larges qu'ils ne sont en réalité.

Quels sont les mécanismes qui se mettent en place dans ce type de situations et peut-on s'entraîner à les reproduire pour être plus performant au quotidien ? Comment les utiliser auprès de ses équipes ? Au-delà de la sphère professionnelle, les neurosciences ont certainement beaucoup à offrir aux individus pour dépasser leurs peurs et leur permettre de changer.

D'où vient la force des habitudes ?

Les organisations sont de plus en plus agiles. Pas nécessairement par choix mais pour survivre, elles doivent plus que jamais s'adapter et se transformer de l'intérieur. Pour les employés, il n'est pas toujours évident de suivre le rythme. Les neurosciences peuvent précisément aider à se libérer de la force des habitudes qui freinent le changement. A titre individuel, les fumeurs savent que c'est mauvais pour leur santé et pourtant combien peinent à se débarrasser de cette accoutumance. Comment expliquer nos résistances ? La revue Strategy & Business revient sur ce qui passe au coeur de notre cerveau lorsque nous devons faire face à des situations inconnues.

Le changement est douloureux. Les automobilistes qui se sont rendus dans un pays anglo-saxon ont tous vécu ce moment particulièrement stressant quand il a fallu conduire à gauche. En effet au bout de quelques mois de conduite, on se déplace "sans réfléchir". C'est la même chose lorsque vous prenez par exemple un paquet de gâteaux de votre marque favorite au supermarché, sans même vous rappelez ce geste. Répéter un geste crée une habitude qui modifie notre cerveau et évite d'avoir à nous rappeler sans cesse une action. Cette dernière est ancrée en nous, plus précisément à l'intérieur de notre système nerveux, dans les ganglions de la base du cerveau. En entreprise aussi, des habitudes se créent. Certains managers vont mener leurs réunions de la même façon chaque fois par exemple. Cela devient si routinier que ce sont les ganglions de la base qui "mènent le show" : le manager est en pilotage automatique.

La seconde raison qui explique pourquoi le cerveau est réfractaire au changement vient de ce que les neuroscientifiques appellent notre capacité à détecter les "erreurs", c'est à dire les différences entre nos attentes et la réalité. Par exemple, si vous mangez une glace vous vous attendez à un goût sucré. Mais si son goût est amère ou salé, votre cerveau lance des messages d'alerte. C'est précisément le cortex orbitofrontal qui se met en branle, placé vers les globes oculaires. Et quand cette partie du cerveau s'active pour faire face aux "signaux d'erreurs", ce sont nos instincts animaux qui ressortent. Les gens atteints de désordre de type obsessif-compulsif et qui se lavent les mains plusieurs fois par jour ne peuvent pas s'en empêcher. Pis : plus ils le font, plus cela renforce leurs habitudes (les ganglions de la base). C'est la même chose en entreprise : essayer de changer le comportement des salariés et ils se sentiront dans une situation inconfortable. Le cerveau envoie un message d'erreur. Malheureusement, les managers sous-estiment souvent ce que représente la mise en oeuvre du changement.

Le comportementalisme (béhaviorisme) ne fonctionne pas. Le béhaviorisme ou comportementalisme est un courant scientifique des années 30 qui s'est notamment appuyé sur les travaux de Pavlov et sa fameuse cloche faisant saliver le chien. Une autre étude est également souvent citée. Elle est basée sur le comportement d'enfants qui, pour obtenir des M&Ms, appuyaient sur un levier malgré le bruit stridant qui s'ensuivait. Une étude qui démontre surtout que la politique du bâton et de la carotte ne fonctionne pas, en tout cas rarement sur le long terme. Si vous avez déjà réprimandé un collaborateur qui est systématiquement en retard aux réunions, il est possible qu'il soit à l'heure, mais seulement aux deux ou trois prochaines réunions.

L'humanisme est surestimé. Autre champ de recherche né après le béhaviorisme, l'humanisme des années 50 et 60. Un courant qui estime que l'on peut changer l'humain en jouant sur l'estime de soi, les besoins émotionnels, l'empathie et les valeurs. Les chercheurs ont abandonné le bâton pour la carotte. L'idée est de faire monter les personnes à bord du navire et de les convaincre de l'intérêt du changement. C'est oublier que le cerveau humain agit parfois comme celui d'un enfant de deux ans, souligne Strategy&Business. Dites à un homme ce qu'il doit faire et automatiquement il fait le contraire. Un comportement dit homéostatique. En biologie, l'homéostasie permet à l'homme de maintenir son équilibre physiologique interne malgré les contraintes extérieures (par exemple le froid). En psychologie, cela montre que si le cerveau humain peut relâcher des neurotransmetteurs, comme l'adrénaline, lorsqu'il trouve lui-même des solutions à certains problèmes, il peut surtout se braquer si la solution vient de l'extérieur. Lorsqu'une personne essaie poliment de vous expliquer que ce vous faites est faux ou même si elle le fait sentir par la forme interrogative (Qu'est-ce qui vous fait penser que cette solution pourrait marcher ?) et votre subconscient déclenche une alarme. "Les gens font la différence entre une question honnête et celle qui a pour but de les persuader de faire autrement", expliquent les auteurs de l'article.

Comment réaliser le changement ? 

Si ni le béhaviorisme ni l'approche humano-centrée ne permettent un changement durable, vers quelle méthode se tourner ? Première piste : les sciences cognitives ont démontré au cours des 20 dernières années que le cerveau change pour s'adapter à son environnement. La première fois qu'il le fait, c'est souvent douloureux. Mais le cerveau évolue aussi selon là où l'humain porte son attention. Le cerveau d'individus qui pratiquent des activités différentes tous les jours est lui aussi différent. Ces personnes ne voient pas le monde comme les autres : leur encéphale a développé d'autres types et ensembles de connexions...

Les attentes façonnent la réalité. Une façon simple de résumer cette assertion : faites croire à un patient que son placebo est un anti-douleur et il n'aura plus mal. La preuve : en 2005, lors d'une expérience, des patients se vont vu administrer un placebo qui a eu autant d'effets qu'une dose de morphine. Deux docteurs ont également montré que la seule attente d'un soulagement de la douleur conduit les patients à se concentrer sur cette expérience et active la partie du cerveau qui entraîne cette réduction de la douleur. Les gens expérimentent ce qu'ils s'attendent à expérimenter. Au travail, comment se traduit-il ? Prenons deux salariés travaillant dans un service téléphonique. Les schémas mentaux du premier le conduiront à voir les clients comme des enfants plaintifs qu'il faut rassurés, le second, comme des experts qui peuvent avoir des suggestions à apporter pour améliorer les produits et services. Comment passer d'un comportement à un autre ? Pour changer nos cartes mentales, il faut qu'il y ait un choc. Il faut réussir à obtenir un déclencheur qui modifie la perception des personnes. En effet, un choc émotionnel a le pouvoir de "reconfigurer" notre cerveau. Il se crée alors de nouvelles connexions qui permettent de lutter contre la résistance au changement. Mais pour que cela marche vraiment, il faut que les employés soient a minima acteurs du changement. Celui qui voit les clients comme des personnalités pénibles ne modifiera son attitude que si, à un moment donné, sa carte mentale commence à voir les clients comme des experts.

En pratique, comment les managers peuvent utiliser les neurosciences ?

On l'a vu, il faut oublier les comportements du passé et se concentrer pour identifier et créer de nouvelles habitudes de travail. Pour donner de la matière aux managers, Strategy & Business explique le parcours de Jean, Directeur d'une usine pharmaceutique. Ce dernier a rendez-vous avec Thomas qui était chargé de recruter 6 nouvelles recrues cette année mais n'en a embauché que trois. Jean peut commencer par lui demander pourquoi il n'a pas atteint son quota. Une façon d'attirer l'attention de son employé sur sa non-performance. Ce faisant, Thomas activera de nouvelles connections cognitives et pourra très facilement répondre - et c'est probablement vrai - "que les meilleurs sont déjà recrutés". Résultat, la question de Jean provoquera peu, voire zéro changement.

Une autre façon plus efficace d'attirer l'attention de Thomas sur son travail serait de lui demander "Thomas, de quoi as-tu besoin pour résoudre un tel challenge ?" Cette question provoquera un déclic en lui rappelant ses objectifs annuels. Si Jean interroge régulièrement Thomas sur ses progrès, ce dernier commencera à porter plus d'attention à cette idée. Une façon de créer de nouvelles habitudes qui marchent.

Il vaut mieux une tête bien faite qu'une tête bien pleine

Au niveau organisationnel, c'est maintenant l'ensemble de ses employés que Jean aimerait voir évoluer. Il pourrait chercher à identifier les sources de résistance au changement mais, on l'a compris, la résistance au changement est le propre de l'homme. Une solution pour Jean : dresser une photo de l'esprit d'entrepreneur qu'il cherche à voir dans son entreprise, sans préciser quels changements précis il attend de ses employés. Le but étant de laisser chacun comprendre le nouveau comportement à adopter. Il faut ensuite les accompagner pour créer de nouvelles cartes mentales. Celles-ci devront être activées régulièrement au travers de discussions en petits groupes qui facilitent l'esprit entrepreneurial. Pour que cet esprit perdure, Jean devra régulièrement le relancer par des "rappels doux". Et si ses employés s'en éloignent, il faudra les remettre dans le rail en captant à nouveau leur attention.

Et c'est tout ? Il suffirait donc d'attirer les employés sur les solutions plutôt que sur les problèmes pour que tout fonctionne dans une entreprise ? Strategy & Business cite l'exemple du système de production de Toyota pour appuyer sa démonstration. Pour les auteurs de l'article, chez Toyota les employés sont impliqués à chaque étape de la production. Résultat, ils cherchent sans cesse de meilleures solutions pour faire avancer la compagnie... Conclusion, les managers doivent prendre conscience que le processus d'apprentissage se fait tout au long de la vie. Il ne faut plus se contenter de dire "moi je sais, je sors des meilleures écoles" mais enseigner aux autres comment apprendre afin que tout le monde fasse évoluer son cerveau. Parce qu'il vaut mieux une tête bien faite qu'une tête bien pleine !

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