Carrière : "libérez votre potentiel" grâce au LSD

Malgré mes demandes répétées, interdiction pour cet article de pratiquer du journalisme gonzo. "En tout cas, si tu veux le faire, ça ne passera pas en notes de frais !", m'avertit mon chef en pleine déprime de dry january... (Mémo : la prochaine fois que je veux écrire un 'J'ai testé travailler sous drogue' , commencez par lui glisser un peu de MDMA dans son café). Le sujet a pourtant tout pour plaire à ma cible : imiter les entrepreneurs de la Silicon Valley qui "libèrent leur potentiel" grâce à de petites quantités de LSD et de champignons hallucinogènes. "Tu vois, ça change du trader francilien qui se fait sa ligne de coke pour tenir la distance. C'est pas cette saloperie coupée à l'éther et les mecs sont dans une vraie recherche philosophique". "Mouais", a grommelé mon chef qui ferait vraiment bien de reprendre les apéros.

A défaut d'avoir pu tester, un article de Wired rapportait déjà en 2016 la pratique du microdosing, soit le fait de prendre un dixième ou un quinzième de la dose "récréative" de LSD. "Cela m'aide à être plus créative et à rester concentrer. Je contrôle aussi mon stress plus facilement", justifiait au journal américain une publicitaire.

Comme une "tasse de café magique"

Pris le matin, une à deux fois par semaine, le microdosing a tout pour plaire dans la Silicon Valley : il permettrait de mieux communiquer avec les autres, améliorerait la productivité, la créativité, la concentration, aiderait à prendre de meilleures habitudes alimentaires et même à "atteindre le niveau supérieur d'innovation", selon un autre adepte. Pour le Financial Times, la pratique de la micro-dose est fortement éloignée de la contre-culture hippie. Ici il n'est pas question de trips psychédéliques mais un moyen d'affronter la pression et de faire davantage de business. Comme une "tasse de café magique" pour bien démarrer sa journée de travail, explique à Wired un Berlinois travaillant dans l'intelligence économique.

La micro-dose se prend ainsi au petit-déjeuner sous la forme d'un minuscule morceau de papier imprégné de LSD ou d'une gélule transparent contenant quelques microgrammes de champignons écrasés. Mais selon The Cut, supplément du New York Mag, de plus en plus de consommateurs microdosent d'autres drogues, comme la kétamine contre la dépression ou le cannabis pour gérer la douleur. Le magazine américain y voit une pratique propre aux valeurs des "millennials" "qui combinent les notions de bien-être et de soin avec la possibilité de prendre un avantage concurrentiel sur leurs collègues". Au Financial Times, des habitants de San Francisco y voient d'ailleurs un dévoiement et une réappropriation mercantile de l'esprit hippie.

Mais la pratique séduit : le forum Reddit consacré au sujet rassemblait en 2019 plus de 47 000 personnes contre 1 600 en 20015. Comme si c'était normalisé, The Cut  a même publié un guide de sept drogues à microdoser et leurs effets positifs. Aucune étude sérieuse n'a encore été réalisée sur les effets du microdosing. Selon le magazine américain, en 2018 une chercheuse anglaise, Amanda Feilding, devait lancer une étude mesurant la créativité et les fonctions cognitives de microdoseurs. Mais rien de plus pour le moment...