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Carrière

"Le management repose sur trois idéologies : la peur, l'’infantilisation et la quête du bonheur".

Par Guirec Gombert • Publié le • Modifié le

Coauteur avec Julia de Funès de La comédie (in)humaine*, l'économiste Nicolas Bouzou revient sur les dérives du management actuel. Pourquoi vire-t-il souvent à la tragicomédie ? Pourquoi les salariés les plus talentueux quittent-ils les entreprises ?

"Le management repose sur trois idéologies : la peur, l'’infantilisation et la quête du bonheur".

Pourquoi de plus en plus de salariés se disent désengagés ou victimes de dysfonctionnements (burn et boreout) ? Si les entreprises ont bien compris le problème et tentent de les résoudre à coups de "babyfoot, de formations ludiques, de documents PowerPoint à n'en plus finir ou grâce à des Chief Happiness Officers",  un traitement utile reposerait davantage sur le sens à donner au travail des salariés, expliquent Nicolas Bouzou et Julia de Funès.

Dans La comédie inhumaine, ils insistent sur les notions d'autorité et considèrent que les managers doivent assumer leur fonction dirigeante pour mobilier les forces. Quant au bonheur au travail, "ce n'est pas à l'entreprise d'y pourvoir..." Explications.

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Vous dressez un tableau sombre du management, quel est le problème ?

Pour commencer, un constat : étude après étude, les salariés se disent désengagés, démotivés, la parole du manager est peu respectée, et en parallèle, les cas d'épuisement ou d'ennui au travail - les situations de burn et boreout - augmentent. Un constat partagé par les entreprises même si leur façon de le résoudre n'est pas le bon. Elles ont privilégié des gadgets au fond, comme le bonheur au travail. Les salariés ne demandent pas un Chief Happiness Officer ou des babyfoot dans les locaux mais de trouver du sens à leur travail et d'avoir l'autonomie nécessaire pour bien le faire. Or les entreprises ont choisi de leur apporter du confort. Ce n'est pas idiot mais ce n'est pas la réponse attendue.

La notion de sens au travail n'est-elle pas une coquille vide ?

Aujourd'hui, tout est définalisé : on travaille pour travailler, on innove pour innover. Le slogan présidentiel en est la parfaite illustration : on marche mais pour aller où ? Trouver du sens au travail, c'est répondre à pourquoi l'entreprise existe et quelle est sa mission. Récemment, je me suis rendu dans une société de nettoyage industrielle. C'est un secteur certes peu sexy mais tous les salariés avaient compris le sens de leur travail : sans eux, un hôpital sale ne peut pas fonctionner par exemple.

Il est aussi très important de valoriser le travail bien fait, c'est dans la nature humaine et là encore les études prouvent l'attachement des Français à leur travail et soulignent leur envie de bien faire. Si pour certains métiers le sens est facile à trouver pour d'autres, c'est aux entreprises et aux managers de le faire ressortir.

Qu'est-ce qui fait qu'elles n'y arrivent pas aujourd'hui ?

Selon nous, il existe des normes managériales délétères voire mortifères qui reposent sur la peur, l'infantilisation des salariés et la quête de bonheur. Ce sont trois idéologies qui existent dans la société dans son ensemble. Mais comme les entreprises sont très perméables aux modes, elles s'en sont emparées. Le management par le jeu en est assez représentatif.

Quel est le problème du management par le jeu, il ne faudrait pas s'amuser en entreprise ?

Le problème du jeu c'est que c'est l'inverse de la réalité. La formule n'est pas de moi mais de Freud. Bien sûr, un adulte peut jouer et s'amuser tout en étant sérieux. Du moins c'est ainsi que je me comporte sur ma console en pleine partie de Fifa... Mais dans l'entreprise, c'est différent, c'est le lieu du réel. D'ailleurs les salariés l'expriment de plus en plus ouvertement : ils disent ne plus vouloir faire des formations où ils doivent s'exprimer avec des Lego à encastrer.

> Le Nerf de la guerre du management

J'insiste, mais quel est le problème du bonheur au travail : mieux vaut sourire que faire la tête, non ? 

Oui bien sûr mais c'est confondre le bonheur avec la joie et le plaisir de travailler. Le bonheur au travail inverse la relation de causalité : quand on s'épanouit dans son travail on peut être heureux mais dire un salarié heureux est un salarié rentable pose problème. Faire des cours de yoga ne va pas rendre les gens heureux. Pire, quand vous faites appel à un Chief Happiness Officer vous créez une injonction au bonheur et culpabilisez les salariés de ne pas être heureux. C'est leur dire on investit pour vous et en plus vous n'êtes pas heureux ?! C'est aussi oublier que le bonheur n'est pas un état stable, on ne le maîtrise pas. On peut être dépressif et avoir des moments de plaisir à travailler.

D'où vient ce mouvement selon vous ?

C'est ce que je vous disais, cela repose sur les grandes idéologies de notre époque : la peur, le jeunisme et l'infantilisation, et le bonheur. C'est lié à mai 68 mais aussi à l'utilitarisme anglo-saxon. Avec Julia de Funès, nous avons une approche totalement différente et rappelons qu'une entreprise n'est pas un jeu mais qu'elle repose sur une organisation verticale avec un patron, des salariés inclus dans une hiérarchie où tout le monde n'est pas égal.

D'ailleurs nous sommes opposés au modèle de l'entreprise libérée et considérons au contraire que l'organisation a besoin d'être dirigée. Nous prônons même la notion d'autorité mais au sens étymologique de "augere", à savoir augmenter. Ce qu'on dit aux managers, c'est que leur fonction les place au-dessus de leurs collaborateurs, hiérarchiquement du moins, et qu'ils sont là pour les diriger, les mobiliser afin de lever les forces pour aller dans une direction commune.

La tendance est pourtant à moins de hiérarchie...

C'est confondre liberté et autonomie. Les salariés n'ont pas besoin de liberté mais d'autonomie. Je m'explique : si vous êtes un activiste antinucléaire et que vous exercez chez EDF, vous devez quitter cette entreprise. C'est la liberté. Cette dernière repose sur la fin quand l'autonomie repose sur les moyens.

De plus en plus de Français aspirent néanmoins à entreprendre, à monter leur entreprise pour être libre...

Ce n'est pas que français, mais un mouvement commun à tous les pays développés. C'est une conséquence de ce que l'on dénonce. Être entrepreneur c'est effectivement être libre : être libre d'avoir sa propre organisation, de trouver ses clients, de gérer l'administratif, etc. mais c'est très différent de la revendication d'autonomie. A mon sens, c'est un saut qualitatif d'ailleurs.

Pourquoi parle-t-on tant de bullshit jobs aujourd'hui ?  

C'est l'américain David Graeber qui a popularisé cette notion. A travers les jobs à la con qu'il dénonce, il fait surtout une critique de l'entreprise et même du capitalisme. Ce n'est pas du tout notre propos. Bien au contraire, nous sommes favorables à l'entreprise et défendons la démocratie libérale. Graeber pense que les bullshit jobs sont consubstantiels au capitalisme voire que les entreprises créent ces postes pour qu'il n'y ait pas de révolution anticapitaliste. Son constat est amusant mais sur les causes je suis bien évidemment en désaccord. Ce que nous dénonçons ce sont les modes managériales actuelles : nous les jugeons contraires à l'esprit du capitalisme contemporain qui entend laisser davantage d'autonomie au capital humain.

La perte de sens au travail n'est-elle pas aussi liée à la destruction des emplois ? 

Au contraire, on devrait être ravi que la technologie permette d'automatiser les tâches les plus difficiles et de réduire la pénibilité au travail. Aujourd'hui on évoque beaucoup l'intelligence artificielle pour prédire la destruction de millions d'emplois. Mais qui créent ces technologies ? Ce sont les humains. Ces derniers ont aussi le monopole des rapports humains et ont une vision globale des problèmes. Ces trois facteurs doivent donc être valorisés car sur eux reposent les emplois de demain.

Comment alors expliquer cet engouement pour les métiers manuel ?

Par la question du sens au travail justement. Beaucoup de gens l'ont perdu dans leur entreprise, ils ressentent donc le besoin de comprendre pourquoi ils travaillent et d'en voir le résultat concret. Mais il ne faut pas prendre ce besoin de sens au travail comme une mode. C'est dans la nature humaine et, depuis Hegel, on sait que les hommes ont besoin de voir les conséquences de leur travail. C'est le message que nous cherchons à envoyer aux entreprises : si vous voulez chouchouter vos salariés, créez les conditions qui donnent du sens à leur travail.

> Management : faut-il en finir avec le "bonheur au travail" ?

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