Le management moderne, héritage des nazis ?

Les nazis ont-ils inventé le management moderne ? Dans son dernier ouvrage Libres d'obéir : le management, du nazisme à la RFA, l'historien Johann Chapoutot "souligne la continuité entre les techniques d'organisation du régime nazi et celles que l'on retrouve aujourd'hui au sein de l'entreprise", rapporte France Culture.

L'auteur a ainsi exhumé les traités d'organisation du travail des hauts fonctionnaires du IIIe reich dont il ressort un "langage que notre monde, son organisation sociale et son économie emploient", comme "élasticité", "performance", "productivité", "initiative créatrice", "rentabilité"... Évidemment l'auteur ne dit pas que la république de Weimar a inventé le management moderne mais il montre comment les nazis ont réfléchi à optimiser l'organisation de la force du travail, jusqu'à devenir une référence dans le management de l'après-guerre.

Il montre également comment le régime nazi a réussi à mettre en place une organisation du travail non autoritaire consenti par tous autour de l'imaginaire de la "liberté germanique". Autre point commun avec les organisations actuelles : les notions de plaisir et de loisir. Si "l'heure n'est pas encore aux baby-foot, aux cours de yoga ni aux Chief Happiness Officers (...) le principe et l'esprit sont bien les mêmes", souligne l'historien. Les travailleurs obéissent à la Führung, une "forme de pouvoir qui leur dicte les fins à atteindre mais qui reporte sur eux la responsabilité des moyens, car il n'y a pas que dans la manière de remplir ces objectifs qu'ils sont libres d'agir".

Un paradoxe déjà souligné par le sociologue Thibaut le Texier décrivant, dans Le maniement des hommes, essai sur la rationalité managériale, combien "l'autocontrôle des employés accroît leur motivation en substituant au contrôle extérieur le contrôle plus strict, plus exigeant et plus efficace qui vient de l'intérieur". C'est la force du management : faire que les salariés - la ressource humaine - trouvent par eux-mêmes la motivation et le sens à donner à leur travail sans, ou presque, d'autorité.

L'ouvrage en résumé : 

Johann Chapoutot s'est plus particulièrement intéressé à Reinhard Höhn technocrate et intellectuel au service du IIIe Reich, chargé de réfléchir à l'adaptation des institutions de l'État. Après la Seconde Guerre mondiale, il crée un institut de formation au management des élites économiques de la République fédérale, Bad Harzburg. Quelque 600 000 cadres issus des principales sociétés allemandes et 100 000 inscrits en formation à distance y ont appris le management. 

Libres d'obéir : le management, du nazisme à la RFA, Gallimard, 16 €