Les soft skills, des compétences vieilles comme le monde ?

C'est la pénurie ! Les entreprises n'ont de cesse d'expliquer à quel point il leur est devenu difficile de recruter des candidats talentueux. Ce n'est pas tant qu'ils sont mal formés mais ils manqueraient de soft skills, ou compétences douces, en opposition aux compétences techniques (hard skills) selon les recruteurs. Pour 59 % d'entre eux, d'après une enquête menée par Pôle Emploi, le diplôme arrive derrière le savoir-être comme critère premier de sélection.

Dans son rapport intitulé Futur des Emplois, le Forum Economique Mondial liste 10 de ces qualités déterminantes pour être recruté, réussir sa carrière et, bien sûr, correctement manager :

• Résolution de problèmes complexes
• Pensée critique
• Créativité
• Gestion des personnes
• Coordination avec les autres
• Intelligence émotionnelle
• Jugement et prise de décision
• Souci du service client
• Négociation
• Flexibilité cognitive

Pertinent. A tel point qu'on peut se demander à quoi ressemblait le manager d'avant l'émergence des soft skills ? En prenant  le sens inverse des termes citées ci-dessus, cela donnerait un mouton sans créativité, incapable de résoudre le moindre problème et encore moins à gérer son équipe. Mais aussi dénué d'intelligence émotionnelle - comme faire preuve d'empathie - et avec qui il est impossible de négocier. Comment cela, ce spécimen n'a pas disparu ?

Soft skills, le recrutement au sourire 

La mode autour des soft skills s'explique peut-être par les critiques régulièrement faites aux employeurs français. Souvent on leur reproche en effet de ne recruter que des clones, sortis des mêmes écoles et au parcours professionnel sans aspérité. Parler de soft skills, c'est une manière de se donner une image moderne, "Venez chez nous comme vous êtes", et de laisser entendre que, comme pour les entreprises anglaises, ils accordent plus d'importance à la personne qu'au diplôme. C'est certain qu'entre deux profils strictement identiques, le choix du recruteur se portera davantage sur un candidat souriant que dépressif. Mais de là à en faire un critère de sélection...

Compétences douces, de quoi parle-t-on au juste ?

Les soft skills ont aussi ceci de dérangeant qu'on les présente comme des qualités humaines, quasi innées, mais qu'il serait néanmoins possible de les acquérir. Prenons l'exemple de l'intelligence émotionnelle, un mot qui fait le buzz au sein des ressources humaines depuis deux ans environ. Derrière ce concept fourre-tout, on retrouve la conscience de soi, la maîtrise de ses émotions, la motivation, l'empathie (encore) et la capacité à entrer en émotion. Selon Christophe Haag, professeur associé en comportement organisationnel à emlyon business school :  "L'intelligence émotionnelle peut se développer avec le temps. On sait par exemple que les lecteurs de romans ont davantage d'empathie". Lire les derniers bouquins de Houellebecq ou d'Angot permet-il vraiment de comprendre la souffrance d'un collaborateur proche du burnout ? Pas sûr que cela serve non plus au moment de passer une soufflante à un collaborateur. Bien que, poursuit le professeur, "si en évaluant vos émotions, vous vous découvrez sous le coup de la colère, qui mène à la rage, vous pourrez plus facilement maîtriser cette émotion et prendre ensuite de meilleures décisions". L'engueulade zen...

> Pour être un meilleur manager, devenez émotionnellement intelligent !

Quant aux autres soft skills cités par le Forum Economique Mondial, ce ne sont pas des qualités humaines mais bel et bien des techniques qui reposent sur des méthodes d'apprentissage. Les analystes du marché du travail citent souvent le savoir-être comme la meilleure façon de lutter contre le chômage de masse et faire face à l'arrivée massive des robots en entreprise. Et de citer la créativité comme rempart à l'intelligence artificielle. Un commercial doit-il manier l'outil Paint comme un graphiste ? Un technicien doit-il être un bon communicant ? S'il l'est : tant mieux pour lui, il maîtrise cette compétence douce que l'on appelait tout simplement autrefois l'art de se faire bien voir.