Le paradoxe de Solow, ou pourquoi le progrès technique n'entraîne pas toujours des gains de productivité

Les années 1980 ont été marquées par l'arrivée massive des ordinateurs dans le milieu de l'entreprise. Une technologie, à l'époque, de pointe et qui devait conduire à un bouleversement profond de nos économies. C'est du moins ce que certains prédisaient. Au début des années 1990, l'économiste américain Robert Solow, lauréat du prix de la banque de Suède, a constaté qu'au contraire les ordinateurs avaient beau être partout, ils n'ont entraîné aucun gain de productivité pour les entreprises. We see computers everywhere except in the productivity statistics". Ce "paradoxe de Solow" semble toujours d'actualité. Internet et sa bulle au début des années 2000 et aujourd'hui les tablettes, smartphones et même l'intelligence artificielle ont beau être partout, l'économie mondiale continue de patiner.

Dans un article, le magazine Alternatives économiques explique que pour renverser la tendance, il faudrait une innovation majeure, "de celles capables de changer en profondeur nos modes de production et d'organisation du travail, comme la machine à vapeur au début du XIXe siècle ou l'électricité".

Une erreur de mesure de la productivité ?

Le paradoxe de Solow est-il si fondé ? Au début des années 1980, effectivement, l'informatisation des entreprises n'a pas entraîné d'augmentation de la productivité du travail ou du capital. Pourquoi ? L'explication tiendrait à la façon dont les entreprises adoptent les nouvelles technologies. Celles qui y associent "une innovation organisationnelle, c'est-à-dire des pratiques de travail valorisant les nouveaux équipements et les nouvelles technologies, augmentent leur productivité, tandis que celles qui ne réorganisent pas leur processus de production ne récoltent pas les fruits des technologies de l'information, voire même décrochent par rapport aux autres", explique le magazine économique.

Internet n'a pas mis fin au paradoxe de Solow. Si à ces débuts, cette innovation a laissé imaginer une hausse du niveau de vie, l'éclatement rapide de sa bulle a vite douché cet espoir. Pour maintenir l'économie, le président de l'époque de la Fed, Alan Greenspan, a maintenu une politique monétaire de taux d'intérêt bas. Et 10 ans plus tard, les économies occidentales plongeaient à nouveau à cause de la crise des subprimes.

Le paradoxe de Solow a aussi mis l'accent sur notre manière de quantifier et analyser l'innovation et le progrès. C'est encore plus vrai avec la prise de conscience du dérèglement climatique qui appelle à modifier nos façons de consommer. L'innovation technologique doit-elle toujours être vue comme un progrès pour l'Humanité ? La croissance économique est-elle un facteur d'amélioration des conditions de vie ? Ou faut-il définir et mesurer autrement le bien-être que par le seul prisme du PIB ?

(Getty Images /matdesign24)